UNE ANNÉE SAINTE

Au début de son Evangile, Luc construit une scène inaugurale qui vient introduire son récit (Luc 4, 16-30). La construction de cette scène est propre à Luc, c’est un moyen pour lui de présenter tout l’enjeu de la mission de Jésus de manière symbolique. Jésus est de retour à Nazareth, il fait la lecture dans la synagogue. Il s’agit d’un extrait du livre d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » (Isaïe 61, 1-2). Jésus fait une pause et annonce solennellement que cette prophétie d’Isaïe s’accomplit aujourd’hui.

C’est donc une bonne nouvelle, un heureux message que Jésus vient de dévoiler ; un Eu-aggelion (Evangile en français), une heureuse (Eu) – nouvelle (aggelion). En effet, Jésus annonce une année favorable, c’est à dire un jubilé. Le jubilé dans la culture juive est une année de remise des dettes, une amnistie des fautes passées pour ouvrir l’avenir. Le jubilé n’est pas seulement le souvenir des époques passées mais un nouveau départ. L’année jubilaire vient régénérer le peuple pour lui redonner l’élan du commencement. C’est une opération de rajeunissement que le prophète Isaïe avait décrit : « Les garçons se fatiguent, se lassent, et les jeunes gens ne cessent de trébucher, mais ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles ; ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer. » (Isaïe 40, 30-31). Pour réaliser ce tour de force, pas besoin de soins médicaux dans un centre de remise en forme, pas besoin de chirurgie esthétique : c’est Dieu qui fait descendre sur son peuple la force de l’Esprit Saint pour ce nouveau départ. L’année jubilaire est une année de grâce pour la communauté qui ouvre son cœur à la joie de l’Evangile et la partage généreusement autour d’elle. Mais, si le cœur se ferme, cherchant à enfermer le mouvement débordant de l’Evangile, cette année devient une année de malheur, un obstacle qui déchaîne la colère. C’est ce que l’on lit dans la suite du récit dans la synagogue de Nazareth : quand Jésus annonce que ces grandes grâces seront dirigées vers les périphéries, les habitants de Nazareth, frustrés de ne pas être au centre, de ne pas être les bénéficiaires exclusifs de la préférence de Dieu, veulent précipiter Jésus dans un ravin, mais celui-ci « passant au milieu d’eux, allait son chemin. » (Luc 4, 30). Une manière pour Luc de nous montrer que rien ne peut entraver la mission de l’Evangile.

Avertis par cet enseignement, nous serons attentifs au cours de cette année jubilaire des 60 ans de Saint-Thibaut, de ne pas garder notre joie pour nous, mais de proposer largement à nos proches, nos amis, nos voisins de venir se réjouir avec nous au cours des évènements qui vont ponctuer cette année jubilaire. N’hésitez pas à prendre l’initiative, pour être les missionnaires de la joie du Jubilé de l’église Saint-Thibaut autour de vous.

« La communauté évangélisatrice […] sait aller de l’avant, elle sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus. » (EG n°24)

Père Gaël Bénéat+